Dépôt de marque : Quelles classes ? Quels produits et services ?
IP-HOUGUENAGUE-BLOG-picto-CLASSE

Par l’équipe IP-HOUGUENAGUE

 

Une marque est protégée pour les produits et services qu’elle désigne dans la liste déposée par le titulaire. Il s’agit de l’application du « principe de spécialité ». La marque est protégée dans une spécialité donnée. Ceci explique que deux marques identiques ou très proches puissent coexister, sans risque de confusion pour le public, si elles visent des produits différents (ex : les crèmes dessert Mont Blanc et les stylos Montblanc).

Les déposants doivent donc établir, au moment du dépôt de leur marque, la liste des produits et services pour lesquels la marque sera protégée. Ils se réfèrent à la classification de Nice. La dernière version contient 45 classes dans lesquelles sont répartis les produits et services. On trouve par exemple les logiciels en classe 9, les vêtements en classe 25 ou encore les services de transport en classe 39.

C’est sur la base de cette rédaction que les produits et services couverts par les marques seront comparés en cas de litiges par exemple. Si une marque vise des produits ou services identiques à ceux couverts par une marque antérieure proche, alors la marque seconde peut être refusée ou annulée.

En réservant les vêtements, vous pourrez empêcher un tiers de déposer et d’exploiter une marque identique ou similaire pour des vêtements, et pour tous les produits et services similaires ou complémentaires : chaussettes, caleçons, Tshirts, services de vente au détail de vêtements…

La portée de la protection dépend donc de la manière dont est rédigé le libellé. Il est tentant de rédiger le libellé le plus large possible. Or, cette tendance naturelle des déposants à viser des termes larges, voire vagues, est source d’incertitude en cas de litiges car la portée réelle des droits conférés est incertaine. Le terme « logiciels » compris dans la classe 9 est particulièrement large par exemple. Il peut exister des logiciels de comptabilité ou des logiciels de réservation de taxis, deux applications plutôt distinctes. Depuis quelques années, cette tendance est encadrée de plus en plus strictement par les juges et par les textes.

Les mécanismes permettant de corriger les libellés trop larges sont les suivants :

– l’exigence de clarté et de précision du libellé : Le règlement européen de N°2015/2424 de 2015 et, en France l’ordonnance N°2019-1169 du 13 novembre 2019 (transposant la réforme européenne dite Paquet Marques), consacrent la jurisprudence issue de la décision « IP Translator » (C-307/10 Cour de Justice de l’Union européenne du 19 juin 2012). Il est désormais nécessaire que le libellé des marques « soit suffisamment clair et précis pour permettre à toute personne de déterminer, sur cette seule base, l’étendue de la protection ».

Une décision récente de la CJUE appelée « Skykick » (C-371/18 CJUE du 29 janvier 2020) est venue préciser que l’exigence de clarté était un motif de refus à l’enregistrement mais pas un motif de nullité de la marque a posteriori.

– l’appréciation du risque de confusion par les juges : Dans plusieurs affaires, les juges ont eux-mêmes écarté certaines rédactions dans le cadre de l’appréciation du risque de confusion car « trop vagues pour permettre une véritable comparaison avec ceux de la marque demandée ». Ainsi, sont trop vagues, les « services de détail dans le commerce » en classe 35 (TPICE 2009 T 162/08 GREEN BY MISSAKO) ou les services de « vente au détail de toutes sortes de produits ; vente au détail en ligne de toutes sortes de produits ; exploitation de supermarchés, points de vente au détail et points de vente au détail avec réduction » en classe 35 (TPICE 2020 T 697/18 ALDI ALTISPORT). A chaque fois, le requérant perd une chance de faire valoir les produits et services qu’il avait désignés car ceux-ci sont trop imprécis.

– l’obligation d’exploiter les marques : La marque est un droit d’occupation et un déposant ne saurait réserver une marque, sans limite de durée, pour tout produit et service. La conséquence serait un blocage inutile de marques non exploitées, nuisible au libre jeu de la concurrence.

En Union européenne, et dans la plupart des territoires, il existe une règle selon laquelle, passé un certain délai, un tiers peut vous demander de prouver l’usage de votre marque. Il s’agit de la déchéance pour défaut d’usage. Ce délai est de 5 ans à compter de l’enregistrement en France. Dans le cadre de l’action en déchéance, tous les produits et services pour lesquels vous ne serez pas en mesure de justifier d’un usage de votre marque, seront perdus. Votre marque ne se maintiendra que pour les produits et services effectivement exploités. Il n’est donc pas utile, sauf stratégie particulière mise en place avec votre conseil, de viser des produits et services dont vous savez que vous ne les exploiterez jamais.

– la sanction des dépôts frauduleux : Afin de monopoliser une marque le plus largement possible, et d’empêcher des tiers de le faire, certains déposants enregistrent leur signe pour des produits et services sans aucune volonté de les exploiter plus tard. La CJUE a pu indiquer que ce type de monopolisation pouvait être sanctionnée sur la base de la mauvaise foi (CJUE 2009 C529/07 Lindt). La mauvaise foi sera également sanctionnée dans le cas où les déposants, souhaitant échapper aux demandes de preuves d’usage, redéposeraient régulièrement des marques identiques ou proches, dans le but d’établir une position de blocage. La difficulté réside bien entendu dans la démonstration de cette mauvaise foi.

Conseil : Nous conseillons donc de ne pas vous limiter aux intitulés généraux de la classification de Nice mais d’adopter un libellé rédigé sur mesure par un sépcialiste. Nous vous invitons également à privilégier des termes clairs et précis pour désigner les produits et services de votre intérêt. Cette stratégie peut aussi vous aider à éviter des réclamations de titulaires de marques antérieures proches qui comprendront que votre activité s’oriente vers un domaine distinct du leur.

Contactez-nous pour obtenir des conseils sur votre projet de dépôt de marque.